Le Parc by Sollers Philippe

Le Parc by Sollers Philippe

Auteur:Sollers, Philippe [Sollers, Philippe]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
Éditeur: QcCanZ - ZN
Publié: 2014-02-19T23:00:00+00:00


Il est cinq heures du matin.

Ouverts, puis refermés, ils auraient dû voir cependant la proche blancheur du traversin dont la joue, au réveil, vient d’éprouver la toile. A nouveau difficilement ouverts, ils s’habituent dans le noir, persistent, accommodent, donnent une consistance encore imprécise à la chambre, aux contours des meubles qu’il faut éviter pour parvenir jusqu’à la porte-fenêtre, tirer les rideaux, ouvrir les deux battants, passer sur le balcon où l’air les emplit de fraîcheur, ces yeux, semble les agrandir démesurément jusqu’aux tempes. Là-bas, dans une haute pièce où pénètre à demi le soleil, un enfant marche et se met à courir, ramasse une balle et la fait rebondir, tandis que debout sur une échelle, une femme en tablier bleu lave les vitres. A droite, rapidement, au bord de la terrasse de l’immeuble récemment construit, une autre femme que j’aperçois de profil, le buste rejeté en arrière, secoue par-dessus la balustrade un chiffon jaune et, juste au-dessus d’elle, un homme en chemise blanche, tenant un arrosoir vert, se penche vers des pots de géraniums alignés devant lui. Aujourd’hui il fait beau, il fera beau tout le jour. Des deux côtés de l’avenue, les tentes bleues, rouges, jaunes, orangées, ont été dépliées au-dessus des fenêtres, se multiplient à mesure que monte le regard, formant au cinquième étage une galerie continue et variée de couleurs. Sans grande force, le soleil éclaire les immeubles de l’autre côté ; et le vent qui souffle légèrement, les mouvements des fenêtres ouvertes ou fermées (le reflet de celle-là, surtout, que fait bouger, en essuyant les vitres, la femme au tablier bleu clair) font circuler, dans la lumière et la rumeur encore irrégulière des voitures, l’air, l’air vif. Tout recommence. Tout fonctionne et rentre dans l’animation précise de la matinée. Ici, l’ombre est encore froide, humide ; elle occupe en bas, dans sa moitié, l’avenue cachée par les feuillages des platanes qui composent comme une longue tonnelle vert sombre sous laquelle, invisible et déjà bruyante, s’organise la circulation. La chambre est en désordre où, tombant du lit défait, un pan de drap traîne sur le parquet. A côté de la commode demeurée entrouverte, la table est couverte de papiers, de livres, de cahiers. L’air change, refroidit, et le front, les mains, les pieds nus contre le bois ciré l’éprouvent plus vivement en avant du corps moite engourdi de sommeil. Voici la cheminée, le miroir. Rien n’a eu lieu, rien ne pouvait se passer. Encore une fois ce visage dans le miroir, et la surprise de ce point de vue. Encore ce salut de la main droite, encore le même regard.



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